LES
LETTRES DE LA NUIT
[revisitèes]
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La
future jeune mère ne comprenait rien aux films. La télé pouvait
faire écran-neige durant des heures, CELA ne la perturbait
aucunement, par contre, elle ne supportait plus que le téléviseur
soit éteint..
Etan
se nourrissait exclusivement de jus de fruit, parfois agrémenté de
barres de céréales ; juste à l'occasion, quelques rares
fruits secs pour accompagner un poisson cuit à l'eau. Il avait déjà
l'impression de vivre seul dans l'appartement loué sur le front de
mer, les dunes juste aux côtés, l'appartement était entièrement
entouré de dunes, de ce 'logement' précaire à un des étages d'une
maison dont on avait des appartements. Il occupait le troisième et
dernier étage : deux pièces, un minuscule cabinet de
toilette-w.c. Afin de se rendre d'une pièce à l'autre, obligation à
chaque fois de se trimballer dans un couloir non chauffé. Etan
courait très souvent de longues heures entre Zuydcoote et Ostende.
Il savourez l'arrière-pays de ces campagnes de Flandre, plates, sans
fioritures de montagnes, d'escarpements qui vous ratatinent
l'horizon. Aussi les effluves qui montaient des canaux flamands
l'enchantaient, parfois même une ivresse le gagnait. Tout le monde
disait de lui : 'c'est un brave gars !'. Pourtant
il pressentait bien que l'amour n'était pas avec lui,
l'anmoér
i n'ét aveuck li ; du
moins il captait qu'il n'était pas en mesure de développer la
formule de ' l'amour' que l'on attendait de lui qu'il cultive. IL
préférait fuir, cherchant à retrouver son pays, son enfance, son
innocence... enfin peut-être. Et le souffle de paix de sa grand-mère
maternelle.
LES
GUERRIERS ARRIVENT EN AVRIL '76, TÔT EN VILLE.
« ...Mes
baisers posés sur la feuille de papier bleu surgissent en relief :
puis terriblement vivants, ils te cherchent dans l'obscurité !...
Cette nuit c'était très fort, très douloureux aussi car l'absence.
Ta peau me manque ! Cette nuit aimante invisible tu m'as visité.
Le même moment mais ce sera la réalité : tu me prends dans
tes bras et je te serre très, très très fort... NOUS fondons tous
deux comme de la cire rouge et chaude...3 » Toi,
tu me sens comme un arc-en-ciel déréglé derrière car de ton
absence mon âme est lourde, mon âme est de minerais mêlés, mon
âme est une Musique gonflée comme un sexe dans le vide. Je désire
ta bouches/cerises inaccessibles mais ce n'est pas pour ta bouche !
Au delà, je désire tes mains/papillons et libellules mais ce n'est
pas pour tes mains ! Au Delà, je désire ta peau ombrée mais
ce n'est pas pour ta peau ! Au delà. Absences, nuits et pluies
plombées sur ma Grande Picardie Mentale.
Etan
enterre le Loup au pelage cendré dans les brumes-dunes de Zuydcoote.
Etan enterre une âme-Loup. Etan enterre l'enfance, l'innocence. Etan
a dû auparavant se résoudre à étrangler de ses propres mains au
milieu de la nuit au milieu de sa cuisine le pauvre fauve qui se
liquéfiait dans une espèce d'interminable agonie comme un diabète
vicelard. Etan ne doit plus se nourrir que de purs jus de fruit, de
barres de céréales et de fromage blanc non-sucré.
Imperturbablement, vers elle, il s'avance. Elle n'en sais rien, pas
plus que lui qui ne peut soupçonner ce qui va surgir presque 40
années plus tard quand vos regards se télescoperont, happeront,
s'avaleront mutuellement pour la première fois.
La
future jeune mère ne comprenait vraiment rien au film...
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